Les conseils du comédien Pierre-Arnaud Juin pour être plus à l’aise devant des étudiants
Pour s’exprimer face à un amphithéâtre de plusieurs centaines d’étudiants ou face à un groupe de travaux dirigés plus restreint, les enseignants du supérieur doivent maîtriser la prise de parole en public. Un exercice familier pour les comédiens dont les techniques peuvent s’appliquer dans de nombreuses situations. Entretien avec l’un deux : Pierre-Arnaud Juin, également formateur en techniques artistiques de l’acteur.
Enseignant et comédien, deux métiers qui n’ont rien en commun ? Peut-être au premier coup d’œil … Et pourtant, tous deux nécessitent une certaine aisance dans la prise de parole en public ! Or le comédien – ou l’acteur – a de nombreux outils qui peuvent accompagner la pratique des enseignants. C’est pourquoi Campus Matin a demandé à Pierre-Arnaud Juin, comédien, acteur et coach en prise de parole pour l’organisme de formation Arthémon de livrer quelques-uns de ses conseils et exercices.
1. Générer de la confiance
L’enseignant comme l’acteur doit générer de la confiance et de la croyance. Au théâtre par exemple, le public doit croire à mon personnage en sachant que tout est complètement faux… je ne suis pas un joueur d’échec russe en 1909 ! Chez l’enseignant, le discours est basé sur des éléments réels. Malgré tout, pour obtenir la confiance de ses étudiants et leur intérêt, un élément clé : se sentir légitime. Une légitimité qui repose sur trois autorités :
- l’autorité officielle, une position que le système nous accorde ;
- l’autorité fonctionnelle, une mission qui nous est confiée ;
- l’autorité relationnelle ou le charisme.
2. Faire naître des émotions
Pour retenir l’attention d’un public, le comédien doit maîtriser l’art de faire naître des émotions. C’est la même chose pour l’enseignant face à sa classe : l’art de raconter une histoire permet de donner envie de suivre le parcours d’apprentissage qu’il propose. De prendre des risques, d’aller au-delà de ses limites. D’une certaine façon, il doit entrer dans la peau d’un animateur. Et faire preuve d’enthousiasme pour, comme l’acteur, donner envie aux spectateurs d’en savoir plus, de rentrer dans l’histoire.
En mettant des images, des exemples, en travaillant sur le choix des mots et la construction du récit, l’enseignant lui aussi peut « faire son show ». En dehors du savoir, il est porteur d’émotion : la confiance dont nous venons de parler, mais aussi l’envie, le plaisir.
3. Être présent dans l’instant
Enseignant et comédien sont deux métiers qui exigent une présence dans l’instant. Face à ses étudiants, l’enseignant doit entrer dans une posture où il est constamment disponible et attentif. Cela demande beaucoup d’énergie ! Enchaîner, comme l’ont fait certains comédiens au festival d’Avignon, huit heures de spectacle ou, en cours, plusieurs heures d’enseignement est épuisant.
Alors, pour être disponible et se créer des sas de respiration, prendre un peu de temps pour se reconcentrer et faire le vide aide à avoir plus d’énergie, plus d’attention. Lorsque le rideau se lève ou que le cours commence, on se donne entièrement à l’assemblée. Ces deux métiers sont des métiers de don.
Être présent demande par ailleurs un travail sur l’écoute. Le texte est imposé aux spectateurs tout comme le savoir est imposé aux étudiants, il faut écouter son audience, sa fatigue, pour se réajuster en permanence, adapter son énergie. Par ailleurs, l’empathie est un excellent outil pour se mettre à la place de son auditoire et s’améliorer en fonction des retours.
4. Utiliser l’exercice de la coulisse pour gérer le stress
Contre la fatigue et le stress, l’exercice de la coulisse est adapté à tous afin de revenir dans un état de calme, voire de plaisir. Cela nécessite de savoir prendre quelques minutes pour soir dans le déroulé d’une journée, quelques minutes pour faire le vide, travailler son intelligence émotionnelle et physique.
Pour trouver son ancrage et sa stabilité :
- Debout, ouvrir ses pieds à la largeur de mon bassin ;
- Penser à ses pieds posés sur le sol : ressentir la solidité et la souplesse de son ancrage, du bout des doigts de pieds jusqu’au bassin ;
- Se tenir aussi droit que possible, épaules relâchées. Se déployer à l’horizontale.
- Respirer lentement, et en particulier allonger la durée de l’expiration.
- Puis réveiller la bouche, avec la langue.
- Assouplir les articulations.
5. Se recentrer sur ses convictions
« Pour un acteur ou enseignant, avoir du charisme passe par la croyance et la conviction. C’est le feu intérieur, nourri par ce qui me motive, me donne envie de faire ce métier, qui permet de transmettre sa passion.
Lorsque je joue plusieurs centaines de fois la même pièce, ou enseigne le même cours, je peux être tenté de faire les choses de façon automatique, sans me poser de question. Réfléchir à ce qu’on fait et pourquoi on le fait, au sens que l’on donne à son métier, permet d’entretenir ce levier de conviction. Quand on croit en son histoire, en son enseignement, cela permettra de se mettre face à son public avec plus d’aisance.
À mon avis, le support est un danger : être vivant, mettre son corps en mouvement est plus efficace pour faire passer son énergie qu’en étant assis au bureau. Pour des conférences de 200 personnes, j’enlève les prompteurs, les bureaux, les pupitres. On se retrouve nu face à son public, sans frontières. »
À propos de Pierre-Arnaud Juin
Actuellement en représentation au théâtre parisien le Splendid dans la pièce « Les voyageurs du crime », Pierre-Arnaud Juin est un comédien qui est monté plus de 400 fois sur les planches ! Il est aussi acteur à la télévision et au cinéma. C’est également lui qui effectue la formation annuelle des journalistes de News Tank et Campus Matin, avec l’organisme de formation Arthémon. Y sont abordées des thématiques telles que l’animation de séminaire, développer son affirmation en face-à-face, etc.